
Trio pour violon, saxophones et piano
G. F. : Je n’ai pas de « système » préétabli (tonal, dodécaphonique, sériel, etc.). Je fonctionne souvent par chromatisme ascendant ou descendant, systématique ou non systématique ; un accord ou un agrégat va vers un autre comme s’ils étaient « aimantés ». De 1979 à 1995, mon langage musical a employé de manière très systématique des juxtapositions de tempi. Mais un tournant a eu lieu avec le Concerto pour piano et orchestre (1997) où, même si l’on trouve des harmonies répertoriées, celles-ci deviennent des harmonies « géantes » (des agrégats) en étant juxtaposées. Il y avait aussi l’idée d’exploiter un piano très romantique par le biais d’un langage contemporain. Les œuvres suivantes se situent dans le prolongement de cette pièce et il en est de même pour Crossing the Line. Au niveau de la forme, ce trio est proche de la fantaisie avec des atmosphères distinctes : parfois, presque en apesanteur ; parfois très « jazzy » surtout vers la fin.
A. de F. : Crossing the Line est écrite pour le Trio Empreinte, mais aussi dédiée aux trois musiciennes. Pouvez-vous nous parler de la collaboration qui en a résulté ?
G. F. : Tout d’abord, nous nous sommes très bien entendues. Les échanges en amont sur la pièce ont été importants et ont concerné les respirations, le mélange des sons et l’équilibre. J’ai assuré la direction artistique de l’enregistrement de mon trio, ce qui a permis d’affiner ou de changer des nuances, des articulations et des pédales. J’ai été très attentive à la restitution du son ; je voulais que celui-ci soit le plus fidèle possible à la réalité sonore du Trio Empreinte. Il y a une véritable cohérence de jeu entre ces trois formidables musiciennes. Une magnifique collaboration !
A. de F. : Crossing the Line constitue aussi la première œuvre écrite après le décès de votre mari, Gilbert Lévy. Cette création a-t-elle eu une signification particulière pour vous ?
G. F. : Cette œuvre a en effet été composée à une période très douloureuse de ma vie, où il m’était difficile d’écrire. J’ai d’ailleurs remarqué que j’avais inclus dans cette pièce un grand nombre de chromatismes descendants qui figurent cette douleur. Quelque part, c’était au fond un geste désespéré, mais qui m’a conduit à me surpasser. J’ai eu l’impression que je repoussais un peu mes propres limites.
Durée : 10'
Trio pour violon, saxophones alto et soprano et piano