Sait-on jamais

Ce projet est parti de ma rencontre avec Jean-Michel Pilc. J’ai eu la chance de côtoyer cet immense musicien pendant mon séjour de quatre ans à Montréal. Chaque occasion de jouer avec lui était la promesse d’une véritable aventure, pleine de surprises et de découvertes. Lorsqu’on improvisait en duo, j’avais souvent l’impression que Jean-Michel pouvait lire dans mes pensées et anticiper la moindre note qui sortirait des confins de mon imagination, donnant lieu à des dialogues musicaux sans filtre.

Quand l’occasion s’est présentée d’enregistrer avec Jean-Michel, j’ai voulu choisir un répertoire qui permettrait de préserver ce plaisir de jouer, cette spontanéité. Alors j’ai pensé à inviter un troisième interlocuteur dans notre conversation, Serge Gainsbourg. Je connaissais le goût de Jean-Michel pour la chanson française. De plus, il partage avec Gainsbourg un certain franc-parler et un humour débridé. Mais c’est d’abord mon goût pour ce répertoire qui a justifié ce choix. Depuis que je l’ai rencontrée adolescent, la musique de Serge Gainsbourg m’interpelle par son audace, son côté rebelle et provocant, mais aussi sa poésie et son côté mystérieux. Par-delà les styles musicaux, elle touche à des émotions complexes et souvent contradictoires, passe du sophistiqué au trivial, mêle classicisme et avant-garde, profondeur et légèreté. C’est une musique riche, palpitante. Après quatre ans passés à Montréal, enregistrer du Serge Gainsbourg était une façon de fêter mon retour en France, d’affirmer mon attachement à ce pays que j’ai quitté à plusieurs reprises pour des séjours prolongés mais qui est toujours resté mon véritable chez-moi.

Pour préparer cet enregistrement j’ai sélectionné des morceaux provenant de plusieurs albums qui s’étalent sur toute la carrière de Gainsbourg et qui ont comme point commun de posséder des mélodies suffisamment singulières pour pouvoir se passer des paroles. J’ai choisi de réduire les arrangements à quelques idées simples, par exemple une modification rythmique sur la ligne de basse de Bonnie and Clyde ou encore un changement de métrique sur La Javanaise. Puis nous avons interprété et improvisé sans préconceptions, usant de nos propres idiosyncrasies et nous éloignant parfois fortement des versions originales, tout en préservant je crois le caractère des morceaux, leur esprit essentiel.

Je suis tombé un jour sur une citation de Lester Young qui affirmait que pour bien jouer un standard il fallait en connaitre les paroles. Je garde un merveilleux souvenir de ces derniers mois de printemps à Montréal où je baladais ma fille en poussette en chantonnant les morceaux que je m’apprêtais à enregistrer.

Ce disque est le résultat d’une heure et demie de répétition et d’une demi-journée de studio, autant dire que c’est un blitz-album ! Peut-être était-ce la condition pour que la magie ait lieu, pour que s’invite l’une des grandes alliées de la musique, l’Inconnue.Tout cela ne tenait qu’à un fil — Sait-on jamais — mais nous n’avons pas été déçus, et j’espère que vous, cher Auditeur, ne le serez pas non plus !

Jonathan Orland
Paris, mai 2023

Ils en parlent... -> Culture Jazz - France Musique/Jazz Bonus - Dernières Nouvelles du Jazz - Froggy's delight - JazzNickNames - Jazz'in Lyon - Télérama - Jazz Magazine - Radio Coteaux - Citizen Jazz

Jonathan Orland – saxophone alto
Jean-Michel Pilc – piano

Tous les morceaux de l’album sont de Serge Gainsbourg

Retrouvez cet album partout !